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Treujenn Gaol

La haute Cornouaille, pépinière de sonnerien treujenn gaol

14 Mars 2006 , Rédigé par Yvonig Publié dans #Treujenn gaol

De mémoire d'homme, en haute Cornouaille, on a toujours connu la treujenn gaol, instrument privilégié de toutes les réjouissances dès la deuxième moitié du XIXe siècle : plus de cent cinquante sonneurs y ont été recensés pour la période 1880 1950 ! Mais le véritable "pays de clarinette" comprend des régions de basse et de haute Bretagne. Il s'étend au sud ouest des Côtes d'Armor. La limite sud suit à peu près la route Carhaix Loudéac   bien qu'elle descende jusqu'à Mellionnec ou Plélauff , et la route Huelgoat Morlaix marque la limite ouest. A l'est, la zone s'arrête vers Collinée et Laurenan. Au nord, l'aire de jeu jouxte celle, déjà évoquée, du Trégor morlaisien, puis continue sur une ligne descendante reliant les communes de Guingamp, Quintin, Collinée. Ce large périmètre comprend plusieurs terroirs de danses qui appartiennent toutes au fonds ancien : le nord ouest des pays de gavotte (Berrien, Plourac'h, La Chapelle Neuve ... ), le pays de gavotte fisel (Maël Carhaix, Glomel); le pays de dans tro plin ou fanch (Saint Nicolas du Pélem, Gouarec ... ), et, en haute Bretagne, le pays de rond (Loudéac, Ploeuc, Plessala ... ) .
Dans tous ces pays, la pratique de la clarinette a connu une forte expansion entre 1880 et 1930. Selon Jean Michel Guilcher, elle s'est propagée, dans le dernier tiers du XIXe siècle, vers l'ouest à partir des terroirs de Corlay et de Mûr de Bretagne, où elle était anciennement implantée : Calanhel ou Plourac'h ne posséderont des clarinettistes à demeure qu'à partir de 1890. Un autre courant va du nord vers le sud, à partir du Trégor; enfin un courant plus récent (premier quart du xxe siècle) la popularise à partir de la région de Saint Nicolas du Pélem vers Bourbriac, au nord, en même temps que se diffuse la gavotte.
 
 
Photo : couple de sonneurs de haute Cornouaille probalement des environs de Callac
 
Le grand succès de la treujenn gaol en haute Cornouaille s'explique peut être par la possibilité qu'offre cet instrument d'imiter la technique de chant à danser en kan ha diskan, particulière à cette région. D'ailleurs, on remarquera que le "pays de clarinette" recoupe en grande partie la zone du kan ha diskan. A l'exemple des chanteurs, les sonneurs jouent en général par paire. Souvent, un joueur de tambour les rejoint pour les grandes occasions. Dans la partie gallo voisine, bien que
Jean Michel Guilcher la signale vers Mûr de Bretagne, cette tradition de chant semble inexistante, ce qui montre aussi que le lien avec le kan ha diskan n'est pas partout avéré; des duos de clarinette, par exemple, se rencontrent dans le Mené. Là, l'instrument, de même qu' 1 en pays de Loudéac, semble d'implantation plus récente Vue dans les pays bretonnants : il s'est diffusé peu peu
partir de Corlay et Mûr de Bretagne. Mais le succès a été immédiat: au début du siècle les clarinettistes foisonnent, et Plessala ne comptera pas moins de treize sonneurs en activité vers 1910 1920 !
 
Cette pratique coexiste autour de Loudéac avec la tradition du biniou bombarde; ainsi, des clarinettistes y jouent également de la bombarde, ou forment des duos au tron'd'chou, imitant les sonneurs de couple. Ces deux types d'accompagnement musical se verront dans les noces jusque vers 1930, mais la clarinette, portant en elle l'attrait de la nouveauté, devient de plus en plus prisée. Mathurin Le Denmat de Grâce Uzel, qui sonne de la bombarde en compagnie du biniou Louis Donnio, reçoit une prime au cours d'une noce s'il joue un morceau à la clarinette !
 
En haute Cornouaille, contrairement à d'autres régions bretonnes, les traditions restent assez vivantes dans l'entre deux guerres, et les nouvelles modes musicales s'y implantent plus difficilement. La treujenn gaol "résiste bien" en Pays fisel et fanch et dans le nord des pays de gavotte. Elle gagne même du terrain et concurrence la tradition biniou bombarde existant plus au sud
après 1930 Glomel, Mellionnec et Plélauff posséderont leurs sonnerien treujenn gaol .
L'instrument progresse alors fortement, et le statut des sonneurs va du semi professionnel au petit joueur". S'ils jouent toujours les dansou mod kozh (les anciennes danses), ils ont intégré à leur répertoire quelques danses en couples (polkas ou mazurkas), dont ils transforment les mélodies, leur donnant une forte couleur locale. Mais vers 1930, l'adoption d'une nouvelle vague de danses (tango, paso doble, etc.) s'avère beaucoup plus difficile. Les sonneurs reconnaissent que leur jeu ne rend pas le «son» à la mode, alors que l'accordéon l'incarne parfaitement.
 
Iwan Thomas sonne pour toutes occasions !
 

Source : Collectif, "Musique Bretonne, Histoire des sonneurs de tradition " ed. Le Chasse-Marée/Armen, Douarnenez 1996.

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