Hommage à Ioan Ivancea (Fanfare Ciocarlia)
Nous apprenons le décès de Ioan Ivancea, le clarinettiste patriarche de la Fanfare Ciocarlia, survenu le 20 octobre 2006. Ioan Ivancea avait 66 ans et était un roi de la clarinette tzigane.
La FANFARE CIOCARLIA a parcouru l’Europe pour enregistrer avec les musiciens représentant les différentes communautés roms du continent. Plus d’une vingtaine de musiciens, venus de France jusqu’à la Bulgarie, se sont unis pour créer ensemble "Queens and Kings" (sur le label Asphalt Tango / distrib. Abeille Musique) - une extraordinaire célébration de la chanson tzigane, avec la participation de Liljana BUTLER, Esma REDZEPOVA, Florentina SANDU, MITSOU, KALOOME, Jony ILIEV, Saban BAJRAMOVIC et Dan ARMEANCA.
Tuesday November 14, 2006 The Guardian
Ioan Ivancea, the Romanian Gypsy clarinet player who led his village ensemble Fanfare Ciocarlia from rural poverty to international fame, has died of cancer, aged 66. Fanfare Ciocarlia stands as one of the most extraordinary musical success stories of recent times: a decade ago, its members were subsistence farmers in the north-eastern province of Moldavia; today, they can be heard in cinemas across the world playing a version of Born to Be Wild for the Borat film, and their furious, pumping brass sound has fuelled the current Balkan beats club craze.
La Fanfare Ciocarlia est née presque par hasard en 1996 lorsque deux allemands, Helmut Neumann (flûtiste de jazz) et Henry Ernst (ingénieur du son) ont débarqué à Zece Prajini, village Rom en Moldavie roumaine, car Neumann était marié à une fille d’un village voisin (Clejani, d’où viennent les non moins célèbres Taraf de Haïdouks). Fort étonnés d’entendre jouer une fanfare en Roumanie, eux qui les croyaient réservées à l’ex-Yougoslavie, ils proposent aux meilleurs musiciens du village de venir jouer en Allemagne. Ce n’est qu’au moment de la tournée que la formation prend le nom de Ciocarlia, qui veut dire alouette, en hommage à un air tzigane célèbre.
Alors que le “ manele ”, “ turbo folk ” à la sauce roumaine, règne sans partage sur les radios roumaines, le groupe renoue avec une tradition musicale héritée des fanfares militaires ottomanes. Depuis la fin du XIXe siècle, la musique de ces orchestres de cuivres se transmet d’une génération à l’autre, sans partition. La formation est surtout reconnue à l’étranger, les Roumains restant peu friands d’un genre musical qui leur paraît suranné. Une tendance amorcée depuis la mort de Ceausescu : les fanfares sont de moins en moins nombreuses dans les fêtes, souvent remplacées par une sono, formule moins onéreuse. La fanfare Ciocarlia produit de fait une musique quasi exclusivement réservée à l’export, même si elle continue à jouer en Roumanie. Ce qui conduit le groupe à faire le grand écart entre tournées internationales, devant plusieurs milliers de spectateurs - jusqu’au Japon, et animations traditionnelles pour quelques dizaines de danseurs. Quitte à annuler à la dernière minute quand la voiture tombe en panne...
Au fin fond de la Roumanie on sait faire danser. Les trompettes virevoltent, les tubas ahanent, mais tiennent la rythmique d’un souffle de fer, puissamment épaulés par une grosse-caisse des plus toniques. Accordéon et clarinette amènent la légèreté indispensable. Un bémol : Les parties vocales cèdent trop souvent à la mode “ manele ” (peut-être pour conquérir le marché roumain) jusqu’à dénaturer l’accompagnement musical. La version radio d’Alili est ainsi un ton au-dessous du reste de l’album : elle sonne franchement “ commercial ” : basses gonflées à l’excès et voix tendance pop de mauvaise qualité.
Malgré ces travers, il faut insister sur l’originalité de ce disque. Son univers musical ne se limite pas - loin de là - aux tubes cuivrés habituels, vus et revus. Il s’étend du Jazz (Caravan, standard écrit par Duke Ellington) à la musique de film (007 James Bond Thème de John Barry) en traversant la musique latine (Rumba de La Lasi). Voir également les nombreux gimmicks semés le long des 16 morceaux dont les emprunts à la culture populaire (films hollywoodiens, jeux vidéos, hits, séries télé) sont nombreux. Oprica Ivancea et les siens ont l’art de se réapproprier un répertoire désormais mondialisé pour revitaliser des musiques traditionnelles, dont le tort serait de tourner un peu trop en rond. Sans pour autant sacrifier les influences ottomanes et balkaniques. La synthèse entre les jeunes et leurs aînés fonctionne donc parfaitement. Chacun s’accommode des influences des autres, les agite, les mixe, pour servir un cocktail au goût explosif.
Le groupe mérite donc son surnom de “ fanfare la plus rapide de l’Est ”. On peut aussi bien dégainer un titre pour réveiller les danseurs les plus éreintés qu’en écouter tranquillement un autre aux influences jazz plus prononcées. En général le calme précède la tempête. Car la spécialité de ces Roumains surexcités, ce sont les changements de rythme. On commence lentement pour on accélérer d’un coup, et ne plus s’arrêter. Respirez bien fort avant d’écouter. Servir chaud.
Nouvel album : Fanfare Ciocarlia - Queens and Kings
Pour son cinquième album, la Fanfare Ciocarlia a parcouru l’Europe pour enregistrer avec les musiciens représentant les différentes communautés roms du continent. Plus d’une vingtaine de musiciens, venus de France jusqu’à la Bulgarie, se sont unis pour créer ensemble " Queens and Kings " - une extraordinaire célébration de la chanson tzigane. Certains observateurs ont pu se demander comment le bouillonnant funk balkanique de la Fanfare Ciocarlia ait pu fusionner avec les guitares flamenco des gitans français de Kaloome ou encore avec la légende macédonienne Esma Redzepova dont la musique est emmenée par l’accordéon ? Les magiciens musicaux de Zece Prajini ne se sont pas posés ce genre de question, guidés par les éléments communs qu’ils partagent avec leurs invités : une langue, une expérience, et une évidente synergie musicale presque indéfinissable propre aux " Gypsies ". La musique hongroise a ainsi imprégné le nord de la Roumanie pendant des siècles, tandis que les musiques yougoslaves et bulgares se sont confrontées aux communautés gitanes de passage. L'Espagne et la France existaient dans les mémoires d’avant-guerre, des connections latines perdues mais pas oubliées ; tout comme les saveurs du jazz et de la pop qui ont longtemps filtrées à travers les frontières closes. A partir de ces sources et de leurs propres racines gitanes, les musiciens de Zece Prajini ont bâtit la Fanfare Ciocarlia. Aujourd’hui, accompagnés de certaines des plus belles voix d'Europe, les " derviches cuivrés " roumains nous font partager des contes de la vie, de l'amour et de souffrance." Queens and Kings " célèbre l'unité dans la diversité, tout en incarnant le testament musical de la vision de Ioan Ivancea, le clarinettiste patriarche de la Fanfare Ciocarlia décédé en octobre 2006. Cet album est donc dédié à Ioan, un vrai roi gitan – un Gypsy King. (extrait du texte de Garth Cartwright)